Au fil du temps, c’est devenu une petite « tradition personnelle ». A chaque solstice, l’idée est de faire du sport du lever du soleil à son coucher. La base est posée. Mais dommage de faire ça dans mon coin et d’avoir juste la « satisfaction » de voir gonfler mes statistiques sur Strava (l’application leader qui répertorie les entraînements). Habiter dans les Yvelines, c’est avoir la chance et même le privilège d’être immergé au cœur d’un bassin d’une richesse infinie d’un point de vue patrimonial, culturel et historique. Est ainsi née l’idée d’associer chacun de mes périples « solstice » à un thème culturel. Quelques exemples : Course à pied sur les traces de Louis XIV, de Saint-Germain-en-Laye à Versailles en passant par Marly, son parc et sa machine, et tous les endroits parisiens marqués par le roi soleil (jusqu’au cimetière du Père-Lachaise, confesseur de Louis XIV par exemple) avec au final un footing de 64 km ou encore le tour des Yvelines à vélo en passant par tous ses plus grands monuments historiques (255 km enchainés à 3 heures de course à pied).
Pour cette édition 2022 du solstice d’hiver, le projet était de partir à vélo sur les traces des peintres impressionnistes, un thème particulièrement présent dans notre département avec notamment plusieurs parcours de randonnées dédiés (l’Office de tourisme Intercommunal Saint-Germain Boucles de Seine est également très actif sur cette thématique). N’ayant pratiquement pas roulé depuis le Bordeaux-Paris en mai dernier (658 km en 39h), la journée s’annonçait longue… mais passionnante.
Le plan : départ à 8h42 (heure officielle du lever du soleil) sur l’île des Impressionnistes au hameau Fournaise de Chatou et profiter de l’endroit pour évoquer Auguste Renoir, un des fondateurs de cette école, et une arrivée prévue à 16h57, heure du coucher du soleil (finalement 30 minutes plus tard… j’ai un peu trainé) au Musée départemental Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye, lieu dédié à Maurice Denis, artiste post-impressionniste de l’école des nabis. Et sur le parcours, des étapes à Auvers-sur-Oise avec une projection sur Van Gogh et bien sûr à Giverny, lieu de vie de Claude Monet.
Ile des Impressionnistes – Chatou – Km 0 – Auguste Renoir
Le Hameau de la Fournaise est un endroit un peu hors du temps. Le pont qui relie Chatou à Rueil est pourtant à peine distant de 150m. Malgré cette proximité, la sensation d’être ailleurs vous envahit. À la fin du XIXe siècle, les artistes s’y retrouvaient très régulièrement. Ils profitaient alors de la guinguette tenue par la famille Fournaise. Auguste Renoir était un des habitués de l’endroit. Il y a peint certaines de ses plus fameuses œuvres dont le fameux « Déjeuner des canotiers », aujourd’hui exposé à Washington. Le mouvement impressionniste a connu ses premières années sur cette île. L’endroit idéal pour entamer ce périple à vélo. Petit bonheur supplémentaire, le jour s’est levé accompagné d’une superbe lumière orangée parfaitement raccord avec le thème du périple à venir.
Aujourd’hui, le restaurant de l’île a rouvert depuis quelques mois. Le Musée Fournaise propose aussi une immersion dans cette fin du XIX avec même Auguste Renoir qui vient vous raconter un peu de son histoire. Si si, c’est bien lui. C’est aussi ici que l’association Sequana propose des croisières sur la Seine à bord d’embarcations d’époque magnifiquement restaurées.
Auvers-sur-Oise – Km 30 – Vincent Van Gogh
La première partie de la balade n’est pas la plus sympa avec la circulation francilienne à l’heure d’embauche. Amusant toutefois de penser à tous ces gens qui rejoignent leur boulot, le plus souvent seuls dans leur voiture, pendant que je pars rencontrer Van Gogh, Daubigny, Monet, etc. Une fois arrivé à Taverny, les routes commencent à se vider. D’abord traverser Méry-sur-Oise puis, de l’autre côté du pont qui enjambe l’Oise, se dresse l’église d’Auvers-sur-Oise.
J’ai un peu révisé l’histoire des Impressionnistes avant de partir et je pense forcément à l’œuvre de Vincent Van Gogh aujourd’hui exposée au musée d’Orsay. Juste au pied de l’église, une statue de Charles-François Daubigny rappelle qu’Auvers fut une terre d’accueil de nombreux artistes (Camille Pissaro, Camille Corot, Paul Cézanne etc.). A 300 mètres de l’église, le cimetière abrite la dernière demeure de Vincent Van Gogh. D’abord enterré aux Pays-Bas, la dépouille de son frère Théo fut également rapatriée à Auvers. Les deux hommes reposent aujourd’hui sous un tapis de lierre d’une improbable sobriété au regard de l’œuvre immense laissée par le peintre (de nombreux artistes sont également enterrés dans ce cimetière). La tombe des frères Van Gogh est aussi à l’image de la pauvreté dans laquelle Vincent mourut quelques mètres plus bas, à l’auberge Ravoux, en juillet 1890, trois jours après s’être tiré une balle dans la poitrine. Passage obligé devant la maison du Docteur Paul Gachet (un des tableaux les plus connus de Van Gogh, vendu 82 millions de dollars en 1990) puis devant le château qui propose à travers plusieurs animations technologiques une très belle leçon d’histoire impressionniste (je vous recommande aussi le Musée Daubigny juste en contre-bas) et cap plein ouest.
Giverny – Km 95 – Claude Monet
Le Vexin à vélo, vent de face sous la pluie, c’est en théorie moyennement rigolo. Perso, je préfère m’en amuser en pensant qu’une fois encore me voilà parti sur une idée « à la con » à assumer. On s’amuse comme on peut… Pour rejoindre Giverny, je choisis de redescendre sur Vétheuil, village de bord de Seine où vécut Claude Monet de 1878 à 1881 avec près de 150 tableaux à son actif (son épouse Camille y est enterrée). Monet, l’un des maîtres de l’impressionnisme, vécut surtout de 1883 jusqu’à sa mort en 1926, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest, à Giverny, juste à la limite entre l’Eure et les Yvelines (côté normand).
En période touristique, ses rues, en particulier la rue Claude Monet où se dresse la maison du peintre, sont particulièrement fréquentées. En ce 21 décembre, je suis seul. Sous la pluie battante. Un détail. J’aime l’idée d’être là à un endroit où ont été créées dans d’autres temps quelques-unes des plus grandes œuvres de l’histoire de la peinture. J’aime l’idée de me projeter, d’imaginer cette rue où Monet croisaient ses amis artistes de l’époque. Devant la porte de cette maison j’aime imaginer Paul Cézanne, Auguste Rodin et tant d’autres, venir actionner le petit loquet pour s’annoncer. J’aime imaginer Monet derrière son chevalet, pinceau dans la main, peindre toute sa série des nymphéas, au tout début du XXe siècle. Imaginer, voyager dans le temps, quelques instants seulement, puis retrouver la réalité du jour, enfourcher à nouveau la bicyclette et entamer le retour vers Saint-Germain.
Saint-Germain-en-Laye – Km 152 – Maurice Denis
Finir devant le Musée départemental Maurice-Denis, en repassant par Poissy où vécut quelques mois Monet, me semblait être une évidence (ok ça m’arrangeait aussi, habitant à 500 m). Entamer ce petit voyage sur la trace des Impressionnistes avec Renoir, l’un de ses initiateurs, et le terminer avec un artiste post-impressionniste de l’école des nabis, avait un sens. Et puis très sincèrement j’adore ce musée. J’en parle régulièrement sur mes réseaux, mais il mérite vraiment le détour. L’exposition FEMME(s)! actuellement proposée est superbe (jusqu’au 2 juillet). La chapelle entièrement créée par Maurice Denis est aussi incontournable.
Au terme de la balade vélocipédique, 152 km affichés au compteur (dont pas mal sous la pluie, mais c’est l’jeu du solstice d’hiver), mais surtout le plaisir d’avoir une fois encore profité de cette richesse culturelle et de l’avoir partagée tout au long de la journée sur les réseaux sociaux en tentant d’apporter un peu de « savoir » à mes « followers » (le mec se prend pour un influenceur…).
Avec aussi plein d’idées pour la prochaine « opération solstice » et la volonté de plus en plus forte de créer cette passerelle entre le monde du sport et celui de la culture.