Épisode 3 de cette série consacré cette fois à mes bêtises en course à pied. Pour vous raconter les coulisses de ce petit texte, je suis resté un moment devant la page blanche. Par où commencer ? À quel niveau débute la notion de bêtise ? Après tout, c’est très subjectif.
Ma première bêtise remonte peut-être à mon premier dossard. Il y a biiiiiiien longtemps. J’ai même du mal à la dater. Sans doute dans la première moitié des années 90 quand j’ai débarqué à Paris pour mes études. Première course de ma vie donc : Paris-Versailles. Aujourd’hui, avec ses 16,3 kilomètres, même avec la piquante côte des Gardes, je ne la rangerais bien évidemment pas dans cette famille des bêtises. Mais à cette époque, je n’avais jamais couru. J’étais le mec qui arrivait aux entraînements de foot volontairement en retard pour ne pas faire les trois tours de terrain à l’échauffement. Je ne sais plus comment j’ai entendu parler de Paris-Versailles (eh oui il n’y avait pas internet à l’époque, tout juste ce brave Minitel) mais je me suis un jour retrouvé inscrit. Je me souviens très bien du jour où pour me préparer j’avais suffisamment tourné autour de mon terrain de foot, à Athis, dans ma Marne natale, pour avoir parcouru… 8 km ! Énorme pour moi à l’époque. Je m’étais sans doute dit, ‘’j’ai fait la moitié, ça va le faire !’’. Et ça l’a fait… Au regard de cette période, Paris-Versailles fut donc ma première bêtise. J’y reviendrai dans l’épisode de conclusion de cette série, mais si j’évoque cette course, c’est pour insister sur le fait qu’une « bêtise » (dans le sens rigolo) n’a rien à voir avec la distance. Ce n’est pas un concours de qui a la bêtise… la plus longue…
Évidemment, j’ai vite eu l’envie d’aller voir un peu plus loin. Les 20 km de Paris un mois plus tard (à l’époque, on pouvait s’inscrire au dernier moment) et mon premier Marathon de Paris, au printemps suivant, en 3h58’59’’. Je me fous des chronos mais ça m’amuse toujours de me rappeler que l’année suivante, j’ai fait 3h58’58’’ (sacrée progression !). Puisque je parle des marathons, j’en ai désormais 19 au compteur (13x Paris, New York, Berlin, Valence, 2x La Rochelle, Mont-Saint-Michel). Pour les semis, j’ai arrêté de compter après la centaine avec un « record » à 1h28. Je me demande encore comment j’ai pu réaliser ça…Ah oui, je sais : j’étais jeune … et j’avais 20 kilos de moins.
Le Marathon des Sables: un vrai tournant
Il n’a rien du marathon « classique » mais allons-y sur le Marathon… des Sables (MDS), cette course en auto-suffisance alimentaire d’environ 250 km (en 5 étapes) dans le Sahara sud-marocain. Nous sommes en 2009, je travaille à L’Équipe. En février, on m’appelle pour m’informer que dans le cadre d’un accord entre le MDS et L’Équipe Mag, une équipe de L’Équipe est invitée pour disputer l’épreuve. Évidemment, nous ne sommes pas 50 à pouvoir nous lancer dans une telle histoire. Je ne suis pas spécialement bien entraîné à cette époque mais quand tu as la possibilité d’aller courir le MDS gratos, vu le prix d’une inscription (2500 euros à l’époque), tu ne réfléchis pas longtemps. Tu files au Vieux Campeur acheter tes sachets de lyophilisés et tu ne fais pas ta chochotte. Tu sais que tu vas en baver, mais ça ne se refuse pas ! En plus de courir, j’avais aussi la mission d’envoyer tous les soirs un article pour le site de l’Équipe Mag. Deux mois plus tard, tu te retrouves quelque part dans le désert, sous la banderole de départ de la première étape et quand la sono envoie les premières notes de Highway to Hell d’ACDC, tu réalises que tu vas vivre quelque chose de grand. Très grand.
Je cite souvent ce MDS comme un moment essentiel dans ma vie de « sportif ». La chose la plus précieuse que j’y ai apprise est sans aucun doute la patience (petite précision: je sais être très patient dans une épreuve sportive longue durée par contre je ne supporte pas d’attendre dans un magasin, ça m’exaspère!). Dans le désert, le temps semble parfois éternel au milieu des dunes ou sur les longues pistes. Pas de repère, pas de borne kilométrique, juste une perspective, un horizon. Des kilomètres et souvent même des heures au milieu de cette immensité. Pourtant, au fil des étapes, on apprend à diluer le temps dans cette nature si fascinante. Les heures, les minutes ne représentent plus grand-chose. La seule préoccupation est d’avancer. On me demande souvent si dans ces courses, je cours ou je marche. Ma réponse est toujours la même. J’avance. C’est sans doute là, dans ce désert, que j’ai pris conscience de ça. C’est aussi peut-être à cette période que j’ai commencé à vouloir profiter de ma pratique sportive pour me « connecter » à ce qui nous entoure. Sans musique, sans lunettes (sauf au MDS bien sûr). Je veux percevoir les sons, profiter des couleurs originales.
Pour être plus terre à terre, ou plutôt en l’occurrence « sable à sable », contrairement à sa réputation, le MDS est loin d’être à ranger parmi les « courses les plus dures au monde ». Y performer est difficile oui. Terminer, non. Tout peut se faire largement en marchant sans problème. Il fait chaud certes mais ce n’est pas non plus insurmontable.
Récit de la course à l’époque ==> ICI et les enseignements du MDS ==> ICI
J’ajoute que cette notion globale de « course la plus dure du monde » est complètement bidon. Ce n’est que du marketing et de la communication. Pour les organisateurs une façon d’attirer les chercheurs d’extrême (j’ai ensuite travaillé plusieurs années pour le MDS et je connais la différence entre la réalité et ce qu’on écrit) et pour les coureurs c’est un bel argument pour se faire mousser. Je peux vous citer 15 courses minimum qui se revendiquent comme « la course la plus dure du monde ». J’en ai couru certaines… la preuve que ce n’est pas si dur que ça. Tellement subjectif. Bref.
Prochain épisode : les trails (je ne range pas le MDS dans les trails, pour moi, un trail, ça monte et ça descend)