Ironman Nouvelle-Zélande : rêve du bout du monde

Avant d’entamer le récit de la journée, je veux d’abord vous dire un énorme merci. Je ne m’attendais pas à un tel engouement autour de cet Ironman. J’avoue qu’à la base, le fait de beaucoup communiquer sur ma participation était d’abord une de mes recettes pour être certain d’aller au bout de la préparation et ne pas être tenté de laisser tomber en route. Une fois que j’avais annoncé cette aventure, plus question de reculer sous peine de passer pour un dégonflé. Sur une telle durée, les moments de découragement ou plutôt de lassitude sont nombreux et réguliers. Les contraintes du boulot, la météo (pas toujours facile d’aller s’entraîner dans le froid ou sous la pluie) et divers autres choses peuvent facilement avoir raison de votre motivation initiale. Je me connais (une des clés de la réussite) et je sais que ça marche à tous les coups. Mais j’étais à mille lieues d’imaginer que vous seriez aussi présents derrière moi. Je vous promets que ce fut précieux de savoir que là-bas, à l’autre bout du monde, j’avais autant de gens qui vibraient pour cet Ironman. Et très émouvant de lire aujourd’hui tous vos commentaires sur Facebook. Je suis très heureux et fier d’avoir partagé ces émotions avec vous. Ce partage est une des belles choses de ce projet. 

Je sais que je vais en interpeller quelques-uns, mais je vous assure pourtant que terminer une épreuve de ce genre n’a rien d’exceptionnel ou d’inhumain comme je l’ai lu. D’autant plus quand on voit mes chronos (comme l’a écrit dans des commentaires Facebook Benjamin Landier (bon triathlète lui), dans son style cash mais souvent réaliste, on pourrait croire que j’ai couru avec des chaussures de ski et fait du vélo avec un tricycle – pour info, le vainqueur de la catégorie 75-79 ans, a fini devant moi…). C’est j’en suis certain à la portée de tous. Si, si j’en suis certain. Je développe.

Il faut certes pour cela faire sauter des barrières psychologiques. Ces barrières, on se les fixe beaucoup trop souvent en sa cachant derrière de fausses excuses (« j’ai pas le temps » est la plus répandue… suffit de s’organiser). Refuser les réflexions du genre « ce n’est pas pour moi ». Je fais 1,75m, pèse 88kg et n’ai absolument rien, mais rien de rien d’un champion. Ok, cela nécessite de l’entraînement pour préparer son corps à être actif pendant 15 heures, ok ça demande un peu d’expérience pour apprendre à gérer ces efforts sur une longue durée. Mais vous pouvez aussi le faire ! Ne vous fixez pas de limite sous peine de passer à côté de belles choses. Ce n’est peut-être pas la peine de commencer par un Ironman, mais si vous courez un peu, inscrivez vous pour un 10km. Puis un semi etc. Comme je l’ai entendu 1000 fois samedi : « YOU CAN DO IT ». Rien de pire selon moi de devoir dire « j’aurais aimé un jour… » sans avoir tenté de le faire. Vous en avez envie, alors faites le ! Quel que soit le résultat. On peut aussi se planter et ce n’est pas un drame. Car au moins vous aurez essayé et pourrez être fier de ça. 

La course 

Natation – 3,8 km

On l’avait bien senti venir depuis la veille, mais le vent s’est invité à la fête pendant la nuit. Et comme dirait l’autre « fallait pas l’inviter ». Les eaux calmes du lac Taupo ont subitement pris du relief. OK, on est encore loin des grandes marées, mais ça complique sérieusement les choses. Le Néo-zélandais Cameron Brown, 11 victoires à Taupo et encore deuxième cette année à 44 ans, a même dit que c’était les pires conditions de natation de ses 18 participations. Le parcours consiste à une ligne droite de 1750m et du retour dans l’autre sens. La première partie se passe plutôt bien puisque je passe au demi-tour sur des bases de 1h15. Le retour va être bien plus compliqué. L’impression d’être balloté dans tous les sens et impossible de poser ma nage. A l’arrivée, mon Garmin affiche 3967 m (j’ai un peu zigzagué) en 1h22′ soit un peu en dessous de mon estimation basse basée sur 3800 m. Mais rien de dramatique. 

Vélo – 180 km

Après une longue transition jusqu’au parc à vélo et comme d’habitude avec moi un record de lenteur (11’30), me voilà sur mon Specialized loué à Auckland, vélo sans doute parmi les plus basiques de la course mais peu importe. Le parcours consiste en deux boucles de 90 km quasi identiques. Une petite bosse pour sortir du parc et de Taupo puis une longue ligne droite d’environ 35 km et retour dans l’autre sens. Avec le vent dans le dos, tout se passe bien sur le premier secteur. Un peu plus de 31 km/h de moyenne, que demande le peuple. Forcément ça se complique au retour. On croisant les pros et en les voyant en baver vent dans le nez, j’ai vite compris que ça allait être une galère. Gagné ! Vent plein poire et belle montée à la fin, ça n’en termine pas. A peine 21 km/h de moyenne, ça fait mal. Remarquez, le Français Cyril Viennot, troisième de la course est lui passé de 44 à 32. On remet ça pour une deuxième boucle où je décide d’appuyer un peu moins fort sur l’aller même si c’est grisant pour garder de la réserve pour le retour. La moyenne de l’aller passe donc à 27,5km/h et le retour descend lui à 19,3 km/h. Les derniers kilomètres sont un cauchemar. L’impression d’être scotché au bitume jusqu’à me demander si je n’irai pas plus vite en poussant le vélo. Dans ma tête, je me répète à l’envi « patience Pascal, patience ». Dans un tel effort, la patience est indispensable. Les mauvaises passes… passent. C’est frustrant car ça n’avance pas, mais mètre après mètre, on se rapproche de la fin. C’est comme ça qu’il faut prendre les choses. Et effectivement, ça se termine. Mon Garmin affiche 180,9 km en 7h23 pour 1196 m de dénivelé. Je suis finalement pile-poil au milieu de la fourchette des estimations. Dans ces conditions, je ne suis pas mécontent.

Course à pied – 42,195 km 

Nouvelle transition pathétique (10′) et c’est parti pour le marathon. Les spécialistes savent que généralement on prend le fameux « mur » du marathon autour du 30e km. Pour moi, je crois que je l’ai pris dès la sortie de la transition. Forcément, la suite s’annonce longue. J’ai clairement laissé mes jambes sur le vélo. Je comprends vite que je ne vais pas pouvoir courir longtemps. D’autant plus que je n’ai pas fait de sortie longue depuis trois mois en raison de diverses blessures. Et puis je ne suis pas venu ici pour souffrir. Je suis venu là pour PRO-FI-TER. Mon chrono, très très très sincèrement, je m’en fous complètement. Alors pas question d’entrer dans une sorte de bulle et de rester complètement hermétique à l’environnement qui m’entoure sous prétexte de gagner quelques minutes. Que je fasse 14h30 ou 16 heures, peu importe. D’un autre côté, plus vite le marathon sera terminé, plus vite je l’aurai cette médaille. Le parcours est composé de trois boucles de 14 km avec pas mal de petits coups de cul. J’opte donc pour un compromis. Je marche dans les montées et je trottine dans les descentes et sur le plat. Et comme toujours, je prends les kilomètres les uns après les autres, sans (trop) me projeter sur ce qu’il reste encore à parcourir. Je sais que de toute façon, je serai finisher. Je n’ai pas fait 20 000 km et 32 heures de vol pour me laisser mater par 42 pauvres kilomètres. Là encore, le maitre mot est « patience« . Cela prendra du temps mais là encore, chaque mètre effectué, chaque foulée, ou plus souvent hier, chaque pas, me rapproche de la ligne d’arrivée. Le parcours nous amène sur les bords du lac. Super décor et super lumière quelques minutes avant que le soleil ne se couche (je finirai de nuit). Les eaux du lac prennent une couleur incroyable. Je m’installerais volontiers sur la pelouse pour contempler ce panorama. Tentant… Les familles finissent leur journée plage et les enfants sont là pour nous encourager. Sur le bord du chemin, installés dans des  fauteuils puis bien emmitouflés dans des couvertures quand la nuit sera tombée, les spectateurs restent de précieux soutiens.

Mon Garmin n’affiche plus rien depuis le 25e km (plus de batterie), je demande l’heure aux nombreux spectateurs pour savoir à peu près où j’en suis. « Euh, please, what time is it ? » Le tout avec mon super accent, succès garanti. Je suis assez lucide pour comprendre que je peux passer sous les 15 heures si je me remue un peu. Mais une fois encore à quoi bon ? Les derniers kilomètres, je les fais volontairement en marchant. J’insiste sur le volontairement. Je pourrais trottiner et être « sub 15″ comme on dit. Même si les jambes sont lourdes, je ne souffre pas vraiment et je pourrais assurer un petit rythme de croisière plus élevé. Mais verrais-je de la même façon les étoiles dans le ciel de Taupo? Verrais-je le reflet de la lune dans les eaux du lac ? Verrais-je tous ces formidables bénévoles souriant du début à la fin, les entendrai-je nous encourager, nous répéter encore et encore que nous sommes formidables, que nous avons l’air super ? Savourerais-je autant la dernière ligne droite avec ces gens qui vous font la fête… comme pour les champions passés ici 6 heures plus tôt. Je suis venu là pour ça, pour profiter de cette ambiance. Pas question de passer à côté de ça sous prétexte de gratter quelques insignifiantes minutes. Il me faudra donc 5h59’56 » (j’explose la barre des 6 heures) pour parcourir ce marathon (je n’ai pas la prétention de dire « courir »). Je suis donc au niveau de mon estimation basse. Mais je n’oublierai pas les images saisies à la tombée du jour. 

Bilan : 15h12’03 » (le détail des intermédiaires ==> ICI) (la vidéo de mon passage de la ligne d’arrivée ==> ICI merci Sébastien Vagnier et Lorenza)

La fourchette des estimations allaient de 13h30 à 15h30. Je suis dedans (ok, j’avais été large). L’impression globale est celle d’une belle course avec surtout une organisation parfaite. Tout est clair, bien huilé et les centaines de bénévoles sont là pour nous, pour nous guider, nous aider à chacune des transitions et surtout nous apporter des encouragements, bien précieux. Merci infiniment à tous ces gens qui viennent passer leur journée pour nous aider à vivre notre passion. 

A noter, en vrac

. Ce ne fut pas une journée de tout repos mais sincèrement, je n’ai pas trop souffert physiquement à part sur le vélo. Quelques courbatures, quelques coups de soleil, les quadris un peu raides au réveil et une fatigue générale, mais rien de bien sérieux. 

. Du côté des ravitaillements, je fonctionne à l’ancienne. Je suis resté à l’époque où les marchands de poudre magique et de gels n’avaient pas encore envahi les stands faisant croire que rien n’est possible sans leur mixure. J’ai donc effectué cet Ironman, avec uniquement de l’eau (sans aucune poudre ni aucune boisson énergétique) et deux verres de coca un peu dilués avec de l’eau sur le marathon. Pour le solide, uniquement des bananes distribuées sur les nombreux points de ravitaillement (tous les 15km à vélo et tous les 2,5 km à pied) et quelques chips sur le marathon pour avoir un peu de salé. Aucune barre et aucun gel. 

. Ambiance vraiment sympa avec un nombre incroyable de bénévoles. Petit bémol quand même car il faut être honnête, un parcours vélo à l’intérêt très limité (très loin par exemple de celui de l’Ironman de Nice) et un culte du « vous êtes des héros » (c’est propre aux courses labellisées Ironman) à mon goût un peu répétitif et surtout… exagéré. 

Et maintenant… 

Tout d’abord reprendre mon périple néo-zélandais. Je l’ai déjà écrit mais cet Ironman n’était qu’un prétexte pour passer un mois en Nouvelle-Zélande. Il était un des moments forts mais pas l’unique raison de ce voyage. Je remonte donc à Auckland ce lundi pour rendre mon vélo de location puis je redescends vers le sud de l’île nord jusqu’au 12 où je prends un ferry vers l’île sud. Passage par le parc Abel Tasman fortement conseillé par Pierre Baude, un des Français présents pour l’Ironman. Le 18 match de rugby à Christchurch et retour le 23 de Queenstown vers Auckland (avion) puis vol pour Paris dans la soirée. Entre ces dates, improvisation. Je n’ai rien réservé, et je me laisserai guider au feeling. 

D’un point de vue sportif, il y a le marathon de Paris le 9 avril auquel je suis inscrit (on verra). La suite, je ne sais pas. Comme je l’ai souvent écrit dans les news précédentes, le chemin de dix mois pour arriver à être capable de terminer un Ironman m’a été précieux. J’ai envie d’emprunter de nouveaux chemins pour revivre ces moments. Je n’ai pas trop d’idée de la course que je vais choisir. Mais encore une fois, peu importe la destination, seul le chemin compte. 

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