Bretzel Ultra Triathlon : Mon premier double Ironman

« Oublie que t’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher » Voilà comment résumer ma participation à mon premier double Ironman (7600 m de natation, 360 km de vélo, 84 km à pied), à l’occasion du Bretzel Ultra Tri, près de Colmar. `

Blessé à un ischio depuis 4 mois avec impossibilité de courir, grosse entorse à une cheville huit jours avant (voir la photo), pas eu le temps de faire beaucoup de vélo le mois d’avant because beaucoup de travail, 11 heures d’avion pour revenir d’un reportage à Maurice trois jours avant (dur métier), puis 6 heures de voiture pour rejoindre l’Alsace et j’en passe…

Sur le papier, terminer ce double Ironman relevait du miracle. Mais je suis joueur avec la certitude que le mental peut justement faire… des miracles. Le mental dans la gestion de la course bien sûr mais surtout dans celle de l’approche de la course. Vu l’accumulation des contrariétés, j’avais deux options : me dire que ça ne pouvait pas le faire et me morfondre ou bien prendre tout ça comme un challenge supplémentaire à relever. Devinez la voie que j’ai choisie…

Très sincèrement, ça m’a amusé de m’embarquer dans cette aventure un peu comme un touriste qui s’attaquerait à l’Everest en espadrilles et en bermuda. Alors attention, je ne suis pas inconscient (enfin pas totalement). J’ai assez d’expérience sur des épreuves au long court (pour rappel 8 Ironman, un Bordeaux-Paris vélo non-stop, des 12 heures de natation, quelques ultra-trails etc.) pour savoir où je mettais les pieds. L’important dans ce cas-là est de définir des objectifs intermédiaires réalistes afin d’atteindre l’objectif final, à savoir : terminer.

Bien se connaître : la base !

Le mental est une notion qui englobe beaucoup de choses. La principale pour moi est la connaissance de soi, tant physiquement que mentalement. C’est savoir ce que son corps vous permet de réaliser, savoir jusqu’où vous pouvez le challenger sans (trop) le fâcher, mais aussi connaitre le contenu de votre « caisse à outils » mentale et surtout quand utiliser chacun des outils. Essentiel pour se lancer sur ce type de « bêtises » sportives.
En prenant compte de tout ça, le plan était donc de sortir de l’eau en 2h20 environ, de poser le vélo après 20h environ et donc de disposer d’un peu plus de 21 heures pour marcher 84 km et finir avant la barrière horaire fixée à 43h. Résultat : sortie de l’eau en 2h21 (et encore je crois qu’ils m’ont fait faire un aller-retour en trop, mais c’est anecdotique), fin du vélo après 20h45 de course et donc 20h40 pour la « course » à pied. À quelque chose près le plan imaginé.

Se réjouir de chaque tour puis… de chaque pas

Le mental, c’est aussi anticiper les différentes situations susceptibles de se présenter et d’imaginer les solutions. Avoir un plan A certes, mais aussi un plan B, un plan C etc. Je passe sur la natation. C’est plutôt mon truc, et 7600m, même en bassin de 50 m, ce n’était pas un problème. Pas besoin de plan B. En revanche, marcher 84 km sur un circuit de 1,3 km, soit 64 tours, n’est pas ordinaire. Depuis des semaines, je m’étais formaté pour accepter cette perspective. Se le graver dans le mental pour le jour J, l’avoir banalisé et trouver ça presque normal (j’ai bien dit « presque »). Et ça a plutôt bien « marché ». Je ne suis pas (trop) tombé dans le piège de compter les tours (sinon on devient fou) et me suis surtout concentré sur le fait d’avancer. « Un tour après l’autre et on fera les comptes plus tard », stratégie qui au fil des tours se transforme en « un pas après l’autre et on verra ensuite ». D’abord se réjouir d’avoir parcouru un dix kilomètres, puis se réjouir d’avoir fait un semi soit un quart de toute l’histoire, puis se réjouir d’avoir fait un marathon et de basculer dans la seconde moitié, puis se réjouir de n’avoir plus qu’un semi, puis d’entamer un dernier dix kilomètres. Et là, on peut commencer à égrainer les tours restants… et commencer à se réjouir. Chaque étape est une victoire.
Ma préoccupation sur ma cheville s’est vite dissipée (aucune douleur) et malgré les grosses ampoules, les quelques périodes plus délicates (notamment sous les fortes chaleurs) où j’ai dû me reconcentrer et entrer dans ma bulle, j’ai assez vite compris que ça allait le faire si je ne prenais pas trop de pauses en passant devant mon fauteuil posé au bord de la route (toujours très tentant d’aller prendre quelques minutes sur ce fauteuil qui vous attire tel le plus puissant des aimants).

« Cool, plus que 100 bornes… »

Côté vélo, quelques jours avant la course, j’ai eu un signal d’alerte qui s’est mis à clignoter dans ma tête. À force de me focaliser sur la course à pied, j’en avais presque oublié que 360 km de vélo sur un circuit de 8,7 km (40 tours), ce n’est pas non plus anodin. Heureusement, j’ai réussi à vite mettre un plan mental en place pour m’y préparer. Et ça a fonctionné, même si c’est quand même un peu longuet. C’est assez rigolo de constater qu’au fil des tours, on prend des repères au moindre petit caillou sur la route.

Rigolo aussi d’avoir la pleine conscience de ses pensées et de se surprendre, après 260 km, à se dire « cool, plus que 100 km, j’y suis presque »… Oui oui, enfin cent bornes quand même… Pour l’anecdote, j’ai crevé après… 5 km. Le pneu ayant explosé pendant la transition entre la piscine et le circuit vélo, j’ai dû faire avec une grosse hernie sur le pneu et une chambre à air qui sortait d’environ 5 mm (voir photo). Et ça a tenu 355 km… Autre miracle !  

Au final, 41h34’16’’ pour aller au bout (c’est long…), 17e et dernier finisher (22 partants) mais surtout une sacrée belle expérience. Ça va vous paraitre bizarre de lire ça, mais cela ne m’a pas paru physiquement très difficile (tout est relatif), à l’exception des ampoules sous les pieds. Mon seul but étant de terminer avant la barrière horaire, j’ai tout fait en gestion, sans jamais me « rentrer dedans » (en tout cas physiquement). Le fait de marcher et de ne pas courir simplifie quand même la vie en évitant les chocs. et donc en limitant la casse des fibres musculaires. Le vrai challenge est mental avec l’obligation d’accepter d’être patient et d’étirer le temps. Mais ça, je sais faire.

Cliquez, nom de Dieu !

Ok, malgré l’image du touriste freestyle que j’entretiens volontiers je l’avoue, j’ai de l’entraînement (malgré les apparences, je ne fais pas n’importe quoi… sauf sur le McDo !). J’ai surtout une expérience qui me permet de me lancer dans ce genre d’épreuve. Mais, comme je l’écris à chaque compte-rendu d’une course un peu « engagée », nous sommes TOUS capables d’aller bien au-delà de ce que nous pensons. Ne « censurez pas » vos envies. Quand vous dites « j’aimerais un jour », cliquez ! Puis donnez-vous les moyens de réussir. Et si ça ne fonctionne pas, ce ne sera pas un échec, au pire une « non réussite ». N’attendez pas que vos « j’aimerais un jour » se transforment en « j’aurais aimé un jour ». Cliquez nom de Dieu ! Dans le sport mais bien au-delà.

Les bravos et les mercis

L’avantage de tourner comme des hamsters et d’être peu sur les courses, c’est qu’à force de se croiser, on a l’impression de connaitre tout le monde après quelques tours et quelques heures.
Sur une épreuve de ce type, il y a une évidente notion de solidarité. Nous sommes embarqués tous ensemble, dans la même aventure. Nous sommes les uns AVEC les autres et non CONTRE les autres. Je n’avais pas d’assistance (ça c’est la plus grosse leçon pour la prochaine fois – oui oui il y aura une prochaine – car j’ai vraiment galéré à m’organiser tout seul sous ma tente sans avoir rien anticipé au niveau logistique, genre rien pour mettre les aliments au frais ce qui m’a obligé à ne manger que des bananes et des barres pendant 41 heures, pas de seconde paire de baskets ni de chaussettes pour soulager les pieds etc., bref, un vrai touriste), mais j’ai pu compter sur les encouragements des autres Français de ce double Ironman.

Merci à la Dream Team de Patrick Faure, à Maximilien Vuylsteke, brillant vainqueur de ce double Ironman en 23 heures, à l’équipe de Nicolas Bracq pour qui ce double Ironman constituait son premier triathlon (respect Nicolas !), aux petits mots de François Martinez, Sylvain Hyot et de bien d’autres. Des mots en français souvent mais aussi en anglais, en allemand, etc. Des regards aussi qui en disent parfois beaucoup plus.

Et bien sûr grand merci à Emmanuel Séloi, dit IronManu, exceptionnel sixième du quintuple Ironman après une remontada incroyable et à son amie Barbara, également une amie personnelle depuis de très nombreuses années (nous étions collègues à L’Équipe). Manu, tu es une inspiration !

Merci évidemment à toute l’équipe d’organisation de ce Bretzel Ultra Triathlon portée par Laurent Quignette, alias Bretzelman, et tous les précieux bénévoles. Le terme de « famille » est souvent utilisé à tort et à travers. Mais j’ai l’impression que pour cette « Ultra Family », il est pleinement justifié.   

Merci aussi à Denis Jaeger, venu marcher quelques tours avec moi samedi après-midi. Merci aux petits coups de téléphone qui font du bien (avant, pendant et après), merci pour tous les messages d’encouragement puis de félicitations. Ça fait toujours plaisir. Merci au Tri Team Saint-Germain pour son esprit et à ses coaches pour les entraînements (même si je ne suis pas le plus studieux et que je fais souvent à ma propre sauce).

Deux femmes sur le podium du quintuple Ironman

Histoire de vous donner une idée, le quintuple Ironman (19 km de natation, 900 km de vélo, 211 km de course à pied) a été remporté par le Belge Kenneth Vanthuyne en 68h35’, devant deux femmes, l’Allemande Mareile Hertel qui explose le record du monde en 73h52’ et la Suissesse Eva Hürlimann. L’épreuve faisait office de championnat du monde. Le 35e et dernier finisher (44 partants) a mis 137 heures.
Pendant cette semaine, étaient également organisés un triple Ironman, un 24h de course à pied ou encore un 5 marathons en 5 jours. L’an prochain, un Déca Ironman, soit 38 km de natation, 1800 km de vélo et 422 km de course à pied) sera ajouté au programme ! Oui oui vous avez bien lu !

3 thoughts on “Bretzel Ultra Triathlon : Mon premier double Ironman

  1. Excellent Pascal, je suis d’accord avec toi pour :
    Le mental
    Se connaître
    Une étape après l autre
    Pas de regret dans la vie

    Félicitations

    Didier. D du TTSG

    1. Merci pour ce partage d’intimité. Je me demande toujours de quoi est fait le « mental » dont parlent les « Êtres humains de fer ». Parce que chaque courses que je suis, de loin, mais de près par l’angoisse qu’elles suscitent en moi, je me pose cette question.
      En bref, merci et bravo!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *