Fin de ma mission de trois jours au Saut Hermès, accueilli pour la dernière année au Grand Palais Éphémère. L’an prochain, pour sa 15e édition, il retournera dans son traditionnel écrin, le merveilleux Grand Palais et sa grande nef et sa sublime verrière. Trois jours à rédiger les communiqués de presse pour l’organisation (merci Hermès et Agence Blanco Negro pour la confiance), trois jours d’immersion dans cet univers des sports équestres que j’ai découvert il y a maintenant près de 20 ans. L’occasion de me retourner sur ces bientôt deux décennies de présence dans ce monde des dadas.
Retour au début de l’histoire, en 2006. À cette époque, à part Jolly Jumper, Tornado et Jappeloup, je n’y connais pas grand-chose dans les chevaux. Je suis journaliste à L’Équipe, le quotidien, et j’écris sur de nombreux sports mais pas du tout l’équitation. Les Jeux olympiques de Pékin approchent. Pour les sports équestres, les épreuves auront lieu à Hong Kong. Anne, ma collègue alors chargée de l’équitation, s’occupe également de l’escrime. Impossible pour elle bien évidemment d’être à la fois à Pékin et à Hong Kong. Il se trouve que de mon côté je m’occupe entre autres sports du squash et qu’à cette époque, la France compte dans ses rangs le numéro 1 mondial, Thierry Lincou. Je le suis donc dans certains de ses tournois, et en particulier à Hong Kong, hôte de l’un des plus gros tournois de la saison. Je connais Hong Kong, donc je vais m’occuper de l’équitation… Facile, non !
Premier concours en 2006
Première découverte de cet univers à l’occasion du concours du Salon du Cheval, fin 2006, alors organisé Porte de Versailles. Si Véronique Gauthier (grosse pensée pour elle) en charge de la presse m’accueille chaleureusement, pour le reste c’est plus compliqué. Tu as beau être « le mec de L’Équipe », si tu n’as pas les codes, on ne te calcule pas. Et je n’ai pas les codes. Mais je vais devoir faire avec puisque je vais suivre ce sport jusqu’en 2008 et les Jeux. Pour les spécialistes, cette année-là, Florian Angot avait gagné le Grand Prix avec First de Launay HN.
Petit à petit je vais me faire ma place, constituer mon réseau, et même créer des amitiés. Je rencontre aussi occasionnellement sur les concours des gens d’Equidia, Céline (Gualde), Kamel (Boudra), Éric (Brion), Jérôme (Lenfant). Mais imaginer ce que les années suivantes allaient me réserver aurait relevé de l’éréthisme. Petite accélération dans le temps. Je finis les Jeux olympiques avec le sacre d’Éric Lamaze et d’Hickstead et je file à Pékin pour la deuxième semaine des Jeux pour y couvrir d’autres sports. Au retour à Paris, on me demande de prolonger le suivi de l’équitation. Parfait. En 2009, j’assiste à l’avènement de Kevin Staut, sacré champion d’Europe à Windsor. La même semaine, j’ai la chance d’être dans les tribunes pour la reprise de Totilas et Edward Gal, la première reprise de l’histoire notée au-dessus des 90%. Je vois les gens pleurer dans les tribunes. Me voilà séduit par le dressage, discipline pour laquelle j’ai toujours aujourd’hui une affection particulière.
« Allo, c’est Equidia »
Nouveau saut dans le temps. 2011. Jumping de Bordeaux où je suis présent, toujours pour L’Équipe. Mon téléphone sonne. « Salut Pascal, c’est Jérôme Lenfant d’Equidia. On monte une nouvelle chaine (Equidia Life) et on cherche un journaliste pour en diriger la partie sportive. Avec Éric, on a pensé à toi. » Grosse surprise pour moi. Ok, c’est sympa, mais je suis bien à L’Équipe, je n’ai jamais fait de TV et commenter pour des spécialistes n’a rien à voir avec écrire des papiers d’équitation susceptibles d’intéresser des gens qui, a priori, ont acheté le journal avant tout pour le foot ou le rugby. Petite hésitation, mais comme toujours, je suis mon instinct. Je le sens. « Allo Jérôme, ok, on tente le coup. »
Démission de L’Équipe (improbable à cette époque) et me voilà embarqué dans cette aventure. Des débuts compliqués une fois encore car je ne connais pas ce métier et sur Facebook, après mes premiers commentaires, certains ne sont pas très tendres avec moi. Je n’ai pas les codes. Peu importe, je m’accroche, je demande à des gens de confiance (Christian Gherard et le regretté Marc Verrier) de me dire si je suis complètement à côté de la plaque. Ils me rassurent, me donnent quelques conseils et c’est reparti ! je m’adapte mais toujours en restant moi et en gardant mon identité multisports… Et tant pis si ça ne plait pas à certain(e)s. Il faut accepter l’idée de ne pas plaire à tout le monde.
Je vais rester à Équidia près de 9 ans ! Je vais y vivre des moments incroyables avec en premier lieu les Jeux Équestres Mondiaux en Normandie en 2014 avec la gestion d’une équipe de 40 personnes et une antenne à tenir et à organiser de 9 à 22 heures tous les jours pendant deux semaines, ou encore le titre européen de Bosty en 2013. Et tant d’autres. Je vais commenter de grandes épreuves mais aussi des sports très confidentiels comme du tri de bétail par exemple. Ah si on m’avait dit ça en 2006… Mais surtout, je vais y faire de belles rencontres (je ne retiens que celles-là), professionnelles et personnelles.
Aujourd’hui, dans les allées, parfois je croise des spectateurs qui m’interpellent pour évoquer avec nostalgie la période Equidia Life et l’équipe que nous formions avec notamment Kamel, désormais « vieux » complice. Quand je me poste à côté du paddock ou en bord de piste, j’ai un peu l’impression d’être à la maison. Des têtes familières chez les cavaliers, les entraîneurs, les officiels. On se salue, on rigole. L’impression même parfois en salle de presse d’être un « ancien » et de faire partie des meubles. N’étant pas cavalier (galop 2 mais bon…), le syndrome de l’imposteur n’est jamais très loin, mais, désormais, j’ai acquis les codes.
Ce dimanche, à mon poste de travail tout en bord de piste, j’étais assis à côté de Michel Robert, illustre cavalier de ces dernières décennies. On a papoté. Je me suis rappelé la pleine page que je lui avais consacré dans L’Équipe pour ses 60 ans… Il en a aujourd’hui 75. Et pourtant, l’impression que c’était hier.