Chtriman : le paradis du nord

Une journée d’Ironman, en l’occurrence ce dimanche de Chtriman, n’est jamais une journée comme les autres. Bien sûr il y a le sport, ces 3,8 km de natation, ces 180 bornes de vélo et ce marathon. Toutes ces heures qui défilent au fil des kilomètres. Mais une journée d’ironman c’est surtout un formidable voyage à travers le monde des émotions et des sensations. Un monde riche, intense, fort. Plein de mystères aussi. De découvertes et de surprises. Certaines nous propulsent, d’autres nous paralysent, toutes nous interpellent.

Une journée d’ironman, ça commence tôt. Forcément. A Gravelines, au moment de poser le vélo dans le parc, le soleil est venu nous saluer en nous offrant son plus joli lever, peignant le ciel du Nord d’un beau rouge vif. Puis il s’en est allé, chassé par les nuages. A l’heure du départ natation (7 heures), l’horizon s’est assombri. Peu importe, le nôtre se résume à cet instant à ces deux boucles de 1900 m à effectuer dans le bassin d’aviron du Paarc des Rives de l’Aa (pensée pour les cruciverbistes).

Même si nous ne sommes que 290 au départ (254 à l’arrivée), les premiers mètres sont agités. Trouver sa place n’est jamais facile dans cette machine à laver. Mais c’est aussi l’histoire de la discipline, un peu de son âme aussi. Dommage que de nombreux organisateurs l’oublient sous prétexte de donner du « confort » aux participants avec ces maudits « rolling starts ». Dieu merci, ceux du Chtriman n’en font pas partie. Merci à eux. Après environ 500 mètres, l’horizon aquatique s’est dégagé. Juste se concentrer, penser à glisser, soigner la technique. La montre indique un peu plus de 32’ à la fin du premier tour et confirme les bonnes sensations. A la sortie de la seconde boucle, elle affiche 1h05’. Record sur ironman battu et une 52e place à cet instant. Ma partie préférée est terminée. Déjà. Pourtant, la journée ne fait que commencer.

C’est parti pour le vélo. Deux boucles de 90 km à effectuer avec à chaque tour, deux bonnes côtes dont celle de Cassel qui se termine par un mur autour des 20%. Le soleil n’est plus qu’un souvenir. Il a cédé face aux gros nuages qui ne se privent pas d’arroser notre route. Béni soit le moment où j’ai choisi de partir avec ma veste Gore-tex. L’expérience a du bon. Comme toujours sur ironman, l’impression que le monde entier est en train de me doubler. Effet pervers d’une sortie de l’eau en bonne position quand on on est un piètre cycliste. Mes sorties longues en mode « flânerie et photos » n’ont pas arrangé les choses. Je ne sais plus accélérer. Je sais aller loin, mais je ne sais pas aller vite. Peu importe. Alors autant prendre le temps d’apprécier ces routes au bord des canaux où beaucoup sont venus poser leurs cannes à pêche, jeter un œil sur le moulin à vent de Wattel, laisser son imagination divaguer en traversant tous ces villages où les maisons en brique rouge sont parfaitement alignées. Et surtout prendre le temps de papoter quelques instants avec tous les bénévoles installés aux postes de ravitaillement ou tout au long de la route. Des jeunes, des vieux, ils sont tous là. Posés sur un terre-plein au milieu d’une route, dressés à un croisement. Ils sont là, stoïques, sous la pluie. Toujours un sourire, toujours un encouragement. Et même chez beaucoup une sorte de fierté à voir la pluie tomber. « Eh oui monsieur, c’est le Nord ici. » Une identité, leur identité. Parce que le chrono n’a jamais été chez moi une finalité, pas question de manquer ces moments de partage. L’occasion aussi de leur dire merci. Sans eux, rien ne serait possible. Pensée particulière pour le ravito de Zuytpeene et ses merguez. Une fraction d’hésitation en me demandant si je n’allais pas le regretter un peu plus loin. Une fraction seulement avant de céder. Après tout, le sport est un moment de plaisir. La merguez en est un aussi. Vivre le présent. Le présent justement, s’étire encore et encore. La pluie a cessé, le vent du sud finit par nous pousser vers la fin du vélo. Un peu plus de 7 heures passées sur l’engin. Beaucoup plus que je ne l’avais imaginé. Mais peu importe.

Place au marathon. Dans la vie ordinaire, un marathon, c’est long. Sur ironman, le marathon, c’est le début de la fin. Plus qu’un marathon et ce sera fini. Petite astuce mentale pour rendre les choses plus faciles. Ne jamais penser « encore, un marathon ». Toujours penser « plus qu’un marathon ». Solidaire, le soleil est revenu nous accompagner et nous soutenir. Dans ces moments, tous les soutiens sont les bienvenus. Quatre boucles pour aller chercher la médaille. Quatre boucles à redouter l’explosion d’un ischio ou d’un mollet. Depuis plusieurs mois, tour à tour, ils se sont relayés pour m’empêcher de m’entraîner à pied. Avec seulement quelques kilomètres au compteur pédestre, la route s’annonce longue. Se souvenir alors du slogan du Gravelman « start with legs, finish with mental » (« commence avec les jambes, finis avec le mental »). Petit ajustement : ce marathon, il faudra le commencer avec le mental. Ne pas énerver les ischios, ne pas énerver les ischios, ne pas énerver les ischios. La phrase résonne à chaque foulée, ou plutôt à chaque pas. Alterner marche et petite course pour les laisser respirer. Et pour durer. Un tour, deux tours. Comme toujours sur ironman, le troisième est le plus redouté. Usure mentale habituelle. Avec l’expérience, j’ai appris à anticiper ce moment, à l’amortir. A cet instant, nous ne sommes déjà plus très nombreux sur le parcours. Pendant quelques mètres, on partage bien plus que la route avec nos compagnons. On ne se connait pas mais la complicité est instantanée. Merveille et richesse du sport. Fin du troisième tour. La médaille est en vue. Plus qu’une dizaine de kilomètres et elle sera accrochée autour du cou. Dernier passage à tous les points de ravitaillement. Derniers remerciements. Mention spéciale pour le ravito du bout du Paarc des Rives de l’Aa tenu par les Dunkerquois. Deux minutes à échanger, à parler triathlon à parler blog, Poissy, Liévin et à rigoler. Le chrono file ? et alors ? Une dernière ligne droite et l’arche d’arrivée est en vue. Dans une petite case de l’écran, la Polar indique indique un peu moins de 5h30 pour le marathon. Dans une autre case, le temps total : 13h55’34 ». Anecdotique. 

L’expérience fut belle, intense. Une journée de Chtriman. Une journée pas comme les autres.  

………………….

De façon plus « terre  à terre », heureux d’avoir bouclé mon 7e triathlon distance Ironman. Vu le peu d’entraînement à pied et les alertes musculaires très très inquiétantes des derniers jours, c’était loin d’être gagné. Heureusement, l’expérience de ces courses a été précieuse. Comme d’habitude, je suis un peu parti la fleur au fusil sans pratiquement embarquer de ravitaillement et en me contentant de ce que l’on me propose aux ravitaillements. Ça m’amuse toujours de voir certains partir avec sur leur vélo suffisamment de barres et de gels énergétiques pour résoudre le problème de la faim en Afrique…  Alors qu’une bonne banane proposée avec le sourire d’un(e) bénévole fait des miracles. Attention, je ne juge pas, chacun son approche. 

Evidemment, un immense merci à tous ceux qui ont contribué à cette journée. Merci aux organisateurs qui ont tenu bon et qui se sont battus pour nous permettre de remettre un dossard. Merci aux bénévoles qui sont l’âme du sport. Merci à toutes celles et tous ceux qui m’ont envoyé des petits messages. Soyez-en convaincus, ces petits mots sont précieux. 

Et bravo à toutes celles et tous ceux qui sont allés faire du sport ce week-end. On se fout de la distance, de la performance, des chronos. Tout est infiniment respectable et seul le plaisir importe. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *